Tel fut aussi le cas d'un Nietzsche, génie volcanique s'il en est ; ici encore - mais d'une façon à la fois déviée et démentielle - il y a extériorisation passionnée d'un feu intérieur ; nous pensons ici non à la philosophie nietzschéenne, qui dans sa littéralité est sans intérêt, mais à l'oeuvre poétique dont l'expression la plus intense est en partie le "Zarathoustra". Ce que ce livre, d'ailleurs fort inégal, manifeste avant tout, c'est la réaction violente d'une âme a priori profonde contre une ambiance culturelle médiocre et paralysante ; le défaut de Nietzsche, ce fut de n'avoir que le sens de la grandeur en l'absence de tout discernement intellectuel. Le "Zarathoustra" est au fond le cri d'une grandeur piétinée, d'où l'authenticité poignante - la grandeur précisément - de certains passages ; certes non de tous et surtout pas de ceux qui expriment une philosophie mi-machiavélique mi-darwiniste, ou de la petite habileté littéraire.Quoi qu'il en soit, le malheur de Nietzsche - ou celui d'autres hommes géniaux, comme Napoléon - fut d'être né après la Renaissance et non avant ; ce qui marque évidemment un aspect de leur nature, car il n'y a pas de hasard.
— Frithjof Schuon
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